PROMOUVOIR la confraternité et le lien professionnel

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[ Proposition – IV.4 ]

Pour garantir l’unité de la profession, lutter pour continuer à faire du DEC le diplôme commun aux experts-comptables, commissaires aux comptes et auditeurs de durabilité.

  • Intégrer la Durabilité dans le parcours de formation initiale au niveau du DSCG
  • Faire du DEC le diplôme permettant l’exercice de l’expertise comptable, du commissariat aux comptes et de l’audit de durabilité sous réserves d’avoir rempli les conditions durant le stage sans autres examens.
  • Faciliter les co-maîtrises grâce à la proposition précédente [Proposition – IV.3] pour que la pratique de l’audit soit également acquise par les futurs diplômés.

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Le DEC doit-il rester la principale voie d’accès à l’expertise comptable et au commissariat aux comptes ?

La question peut sembler incongrue lorsqu’on regarde le nombre de diplômés du DEC par rapport à celui des diplômés du CafCAC : plus de 1.300 diplômés en 2022 contre 42 diplômés du CafCAC ! Le DEC est bien évidemment la voie d’accès principale à l’expertise-comptable et au commissariat aux comptes… à ce jour.
Pour autant, la situation actuelle n’est pas sans poser plusieurs difficultés pratiques.

On a tous en tête évidemment la contrainte qu’impose la validation de l’audit dans le stage qui passe par l’obligation d’avoir un maître de stage inscrit à la compagnie mais disposant aussi de l’habilitation nécessaire1. Le relèvement des seuils à 8 millions d’euros de CA puis à 10 millions d’euros de CA début 2024 a pour effet de faire sortir de nombreux CAC de l’habilitation faute de disposer d’un volume d’heures suffisant, contraignant ainsi les cabinets et les stagiaires à rechercher un co-maître de stage habilité. A ce jour, le règlement du stage en vigueur2 prévoit d’apprécier si l’activité, au titre du commissariat aux comptes, est suffisante (200 heures minimum par stagiaire) « à partir des déclarations d’activité, sous déduction des heures réalisés par le signataire ». Dans le cadre de la réforme de la formation initiale lancée par le Conseil national, et après échange avec la CNCC, un aménagement serait en cours afin de permettre d’apprécier le volume d’heures en tenant compte de l’ensemble des missions pouvant être réalisées par un commissaire aux comptes, les déclarations d’activité ne recensant que les missions de certification. Même si la délivrance d’habilitation sera, on l’espère, assouplie, de très nombreux stagiaires devront continuer à chercher une co-maîtrise, rendant ainsi moins attractif un cabinet qui ne serait pas susceptible de leur permettre facilement de réaliser l’intégralité du stage. A ce titre, une plateforme B-confrat mettant en relation stagiaire, maître de stage et co-maître de stage est en expérimentation en Ile-de-France avec l’ambition d’être étendue nationalement si le service fonctionne.

La deuxième contrainte, c’est bien évidemment l’ampleur de la formation audit délivrée durant le stage et l’examen final de l’épreuve écrite du DEC qui porte, pour moitié, sur un cas de commissariat aux comptes. Quand bien même il serait possible à un stagiaire de ne pas avoir de maître de stage CAC, il devrait quand même suivre la formation audit et passer l’épreuve finale, ce qui apparaît comme une difficulté supplémentaire pour un candidat n’ayant aucune pratique de l’audit.

Compte tenu de ce contexte, ne pas valider son stage d’audit ne présente que des inconvénients et rares sont les stagiaires ne remplissant pas leur obligation de 200 heures d’audit.

Dans le même temps, les enjeux en matière d’expertise comptable et les défis à relever sont de plus en plus nombreux. Est-il pertinent de contraindre ainsi tous les stagiaires à se former en audit au détriment d’autres sujets plus essentiels pour de nombreux stagiaires et futurs experts-comptables qui n’envisagent pas d’exercer l’audit ?

Ensemble pour Agir a interrogé la profession3 en janvier 2024 en posant la question suivante : « Concernant la formation initiale, êtes-vous très favorable, plutôt favorable, plutôt défavorable ou très défavorable à ce que le DEC se concentre uniquement sur l’expertise comptable (par exemple en rendant optionnel l’audit durant le stage) et conséquemment que le CAFCAC, promu par la CNCC, devienne la formation principale d’accès au commissariat aux comptes ? »

La profession est clairement partagée entre ces deux options avec toutefois une légère majorité contre l’idée d’un diplôme rendant l’audit optionnel ! On imagine bien en effet que permettre un stage sans audit, c’est-à-dire sans formation ni épreuve finale et donc sans maître de stage habilité simplifierait le stage pour de nombreux stagiaires et pour leur maître de stage.

Surtout que dans le même temps, la CNCC renforce l’attractivité du CafCAC en créant l’école française de l’Audit, en réformant le CPCAC et en diffusant cette formation à travers l’ENOES mais également l’ensemble des IAE de France.

Faire ce choix, c’est accepter que le DEC ne soit plus, à terme, le diplôme commun aux experts-comptables et aux commissaires aux comptes et cette question dépasse en réalité très largement le seul problème de l’adaptation de la formation aux contraintes pratiques des cabinets : elle interroge sur la vision de notre profession. Y-a-t-il une seule profession avec deux métiers ou bien deux professions différentes ?

La question ne se poserait pas en de tels termes s’il n’existait qu’une seule institution avec deux tableaux…

L’histoire de la profession et les nombreuses tentatives pour qu’à l’instar de ce qui existe hors de nos frontières, la profession d’expert-comptable et celle de commissaire aux comptes puissent être unies au sein d’une seule et même institution ont été longuement exposées dans un travail de recherche universitaire réalisé par M. Jean-Luc Rossignol et Mme Michèle Saboly publié en 2010.

Ce travail universitaire recense l’ensemble des tentatives qui ont eu lieu pour créer l’unité. Si le schisme actuel entre expert-comptable et commissaire aux comptes se trouve consacré par la création de la Compagnie des Commissaires aux Comptes en 1969, Edouard Salustro5 l’explique de la manière suivante : « Un de mes anciens maîtres de stage en 64-66, Gaston Thibault, avait tenté de convaincre le législateur de créer au sein du même ordre des tableaux de spécialités : faire que l’Ordre soit institution unique comme au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Pourquoi les Pouvoirs Publics avaient-ils refusé ? D’abord, il y avait un lobby très fort des commissaires, anciens comptables agréés, anciens arbitres, juristes, ou conseillers fiscaux. Ce lobbying a fait en sorte que l’Ordre ne puisse pas créer une institution unique qui comporterait en son sein plusieurs tableaux, des spécialités, chacune avec un conseil propre dirigé par les professionnels et l’ensemble co-dirigé par les différentes activités. C’était un lobbying farouche pour une activité lucrative. D’autre part, c’était aussi la volonté de la Chancellerie qui aurait vu s’éloigner une tutelle par laquelle elle disposait d’un poids politique plus fort. Il y avait donc suffisamment d’intérêts conjoints pour empêcher l’Ordre de devenir une institution unique regroupant les deux professions.»

Il faut dire que l’unité de la profession comptable est aussi mise à mal par d’autres situations dont l’arrivée des cabinets anglosaxons, ce qui fait écrire au même Edouard Salustro qui ne cessera d’œuvrer pour le regroupement : « ce n’est qu’en regroupant nos moyens, qu’en nous formant à l’exercice collectif de nos missions et en structurant nos cabinets que nous pourrons lutter à armes égales avec les cabinets anglo-saxons et nous opposer efficacement à l’agressivité de certains d’entre eux » (Bulletin de Liaison de l’IFEC, avril 1973, p. 5).

La recherche de l’unité habite l’IFEC pendant toutes ces années. Ainsi, l’inscription des comptables agréés au tableau de l’Ordre en qualité d’expert-comptable constitue l’une des occasions de ces rapprochements, avec la volonté clairement affichée de promouvoir un corps d’experts-comptables de haute qualification. Une lettre du Président national de l’IFEC aux membres experts-comptables du Conseil Supérieur est particulièrement explicite à cet égard et aussi vis-à-vis de la Compagnie des commissaires aux comptes qui n’a alors que 3 années d’existence, en demandant la « définition de conditions garantissant le maintien de la primauté d’expert-comptable sur celui de commissaire aux comptes » (Bulletin de Liaison de l’IFEC, octobre 1973, p. 4).

Ce dernier milite de nouveau en 1974 pour « l’unification à long terme de la profession comptable, perspective qui est, à l’évidence, dans la nature même des choses ». Primauté de l’expert-comptable sur celui de commissaire aux comptes, unification de la profession…

Par quel chemin tortueux, par quelle perte de repère en cours de route, l’IFEC est-il devenu aujourd’hui le premier opposant à l’unité de la profession ? ECF, alors dénommé l’INSECA, est à l’unisson de cette recherche d’unité ! Les élections au Conseil Supérieur de l’Ordre de 1976 sont marquées par la recherche de solutions unitaires et une politique marquée par la convergence des positions et des actions entre l’IFEC et l’INSECA, politique « qui n’aurait aucune chance d’aboutir dans une profession livrée au désordre des passions », face en particulier à l’ingérence croissante de l’Etat, conduisant à faire des professions libérales des sortes de services publics (Lettre commune IFEC et INSECA à leurs membres en date du 10 décembre 1975).

Dès 1976, tout est dit et l’histoire ne fera que confirmer les craintes identifiées à cette époque. L’étude relate ensuite les nombreuses tentatives avortées : protocole de 1981, rapport Susini de 1988, Geprac de 1992, protocole OEC-CNCC de 1994, Comité Arnaud Bertrand pour une Vision du futur de 1996, un récit passionnant qu’il est possible de lire en téléchargeant l’étude complète6. L’étude se conclut de la manière suivante :

« Cette volonté quasi-constante de regrouper les membres d’une profession, que les pouvoirs publics ont contribué à scinder avec les textes de 1935/1936, l’ordonnance de 1945 et la réforme des années 1960, attestent d’une recherche toujours vaine d’un monopole par les professionnels comptables d’abord ou, tout au moins, d’une domination du marché, notamment par les cabinets d’audit, à travers une multitude de comités. Recherche contrariée en permanence par des luttes individuelles, institutionnelles, politiques ou encore économiques ».

Existe-t-il en réalité deux professions séparées par une « frontière » certes « artificielle » vue de l’extérieure mais bien réelle en France ou, au contraire, la profession d’expert-comptable et celle de commissaire aux compte forment-elles une seule profession avec deux métiers différents ?

La vision réductrice d’un expert-comptable simple teneur de livre, arc-bouté sur sa prérogative d’exercice concentrée sur l’imputation comptable est non seulement contraire à l’histoire, comme on vient de le voir, mais également contraire à ce que nous sommes. L’article 2 de l’ordonnance de 1945 commence comme suit : « Est expert-comptable ou réviseur comptable au sens de la présente ordonnance celui qui fait profession habituelle de réviser et d’apprécier les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n’est pas lié par un contrat de travail. Il est également habilité à attester la régularité et la sincérité des comptes de résultats. »

L’intégration des comptables agréés en aout 1994 organise le glissement de l’article 8 (aujourd’hui abrogé) définissant les prérogatives de celui-ci (« Est comptable agréé le technicien qui, en son nom et sous sa responsabilité, fait profession habituelle de tenir, centraliser, ouvrir, arrêter, surveiller les comptabilités et les comptes de toute nature ») vers l’article 2 en y rajoutant un deuxième paragraphe : « L’expert-comptable fait aussi profession de tenir, centraliser, ouvrir, arrêter, surveiller, redresser et consolider les comptabilités… »

Ce qui définit un expert-comptable, c’est l’exercice professionnel à titre habituel de réviser et d’apprécier les comptabilités. La tenue de comptabilité, prérogative initiale des comptables agréés, n’est donc en réalité permise aux experts-comptables que depuis 1994…

Réviser et apprécier les comptabilités, attester la régularité et la sincérité des comptes… ça ressemble pas mal à de l’audit, non ? Qu’est-ce qu’un commissaire aux comptes ? Nul ne le sait car aucun texte n’indique ce qu’est un commissaire aux comptes ! On sait par contre ce qu’est la mission d’un commissaire aux comptes, définie à l’article L.823.10 : « Les commissaires aux comptes ont pour mission permanente, à l’exclusion de toute immixtion dans la gestion, de vérifier les valeurs et les documents comptables de la personne ou de l’entité dont ils sont chargés de certifier les comptes et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur. »

Ainsi, l’expert-comptable est un réviseur comptable quand le commissaire aux comptes a pour mission de vérifier, de certifier et de contrôler. Dire que le commissaire aux comptes n’est que le titre que prend l’expert-comptable lorsqu’il exerce son travail de réviseur ne semble pas faire injure ni à l’histoire ni aux textes instituant nos professions. De la même manière, réduire l’expert-comptable à la seule prérogative du deuxième paragraphe de l’article 2 de l’ordonnance de 1945, c’est rabaisser un expert-comptable au seul rôle de comptable agréé.

Cette logique naturelle, ce que l’IFEC en 1973 reconnaissait comme une évidence, « la primauté d’expert-comptable sur le statut de commissaires aux comptes », a complètement disparu aujourd’hui où l’on cherche à nous opposer alors même que nous ne sommes qu’un, sentiment évidemment parfaitement intégré par chacun d’entre nous. Qui ne se définit pas aujourd’hui comme un expert-comptable exerçant par ailleurs des missions de commissaire aux comptes ?
Cette vision n’est pas partagée par tous et notamment la CNCC qui, sur son site internet, estime que la création de l’Ordre en 19427, « [instaure] la séparation entre l’expertise comptable et le commissariat aux comptes [avec] l’institution de l’Ordre des experts-comptables et des comptables agréés ».

Ce n’est pas la création de l’Ordre qui instaure la séparation entre expertise-comptable et commissariat aux comptes mais bien la création de la CNCC…

Si le projet d’une fusion institutionnelle semble désormais, compte tenu du mode de scrutin mis en place à la CNCC, une ambition inatteignable, la cohésion entre nos deux métiers reste un objectif prioritaire : celle-ci passe par l’unité du diplôme !

Les risques d’une scission aggravée par deux voies d’accès différentes (DEC vs CafCAC) auraient des conséquences néfastes pour tous les professionnels.

Les experts-comptables confrontés à la numérisation des flux et l’automatisation de la production comptable vidant peu à peu de leur substance les missions traditionnelles de tenue, se trouveront alors en concurrence avec des commissaires aux comptes cherchant à élargir leurs missions d’audit légal vers des missions de conseil et d’audit contractuel comme le permet désormais la loi Pacte de 2019. Actuellement, la plupart des commissaires aux comptes étant également inscrits à l’Ordre en qualité d’expert-comptable, le développement de ces missions se fait en qualité d’expert-comptable, statut présentant moins de contraintes et plus de libertés d’action. Qu’en sera-t-il demain si la majorité des commissaires aux comptes n’est plus expert-comptable ?

En vérité, le vrai sujet du diplôme unique, c’est de positionner l’expert-comptable au coeur de l’économie des entreprises avec des experts-comptables/commissaires aux comptes qui certifient les comptes, des experts-comptables/experts en gestion qui accompagnent les clients sans consacrer leur temps à la production administrative, des experts-comptables/conseils patrimoniaux qui accompagnent leurs clients sur ces problématiques cruciales gérées par des intervenants n’ayant pas la même déontologie que nous. Pour notre cabinet, c’est la fierté d’être expert-comptable, membre d’une profession forte et reconnue pour ses compétences larges, de la plus petite à la plus grande entreprise, de la déclaration de TVA au conseil patrimonial, de l’établissement des comptes à leur certification, de la production comptable à l’accompagnement de gestion. La question du diplôme unique nous touche profondément car elle détermine ce qu’est notre profession.
Une profession dont nous sommes fiers de faire partie et que nous voulons forte et unie demain !