Chères Consœurs, Chers Confrères,
La Présidente du Conseil national de l’Ordre des Experts-comptables (CNOEC), Cécile de Saint-Michel, est en négociation avancée avec le parti politique Les républicains (LR) pour que celui-ci devienne locataire de l’immeuble situé au 4 place du Palais Bourbon à Paris, acquis par l’Ordre en octobre 2022 et devant être livré en janvier 2024.
Rappelons que cet investissement a été réalisé à un prix d’acquisition particulièrement exorbitant de 53,75 millions d’euros, hors frais et droits, pour 1.150m2, soit près de 50 000€ le m2, (triste) record absolu des transactions immobilières 2022. A titre de comparaison, le vendeur de l’immeuble l’avait acquis en janvier 2021 pour un prix de 27 millions d’euros, soit la moitié, seulement 18 mois avant.
En parallèle, le CNOEC est engagé par un bail ferme jusqu’en septembre 2028 pour un loyer annuel de 2,4 millions d’euros (+ 700 000 € de charges) sans aucune possibilité de sous-location. Sur le plan patrimonial, l’acquisition de ce bien n’apporte aucune valeur ajoutée car elle ne se substitue pas à la location du siège actuel situé porte de Vanves.
La négociation menée actuellement entre LR et le CNOEC porte judicieusement sur un bail de 4 années qui permettrait à l’Ordre de soulager partiellement cette double charge jusqu’à son départ de la Porte de Vanves en 2028. Il restera encore un problème de taille à régler dans 5 ans : le bâtiment ne permet de loger que 80 salariés, quand l’Ordre en emploie 170.
L’acquisition a été financée à 50% (30 millions d’euros) par un emprunt bancaire sur 30 ans, à un taux d’intérêt de 4,11%, soit des échéances de remboursements de l’ordre de 2,2 millions d’euros par an (dont 1,2 million pour les seuls intérêts financiers des premières années). Le loyer payé par LR de 1.200 € par mètre carré, soit un peu plus de 1,3 million d’euros par an, hors charges, ne couvrira donc qu’une partie du remboursement.
Lors de l’annonce de cette opération en 2022, l’ancienne mandature mentionnait l’existence « d’évaluations indépendantes confirmant cette valeur d’acquisition ». A l’époque, malgré plusieurs demandes, ces évaluations ne nous ont jamais été transmises et nous n’avons pu les consulter que postérieurement au changement de gouvernance au CNOEC. Bien qu’établies post-signature de la promesse d’acquisition pour justifier le prix de 54 millions d’euros, celles-ci donnent en réalité des valeurs inférieures à 46 millions d’euros (+ 17%) et 49 millions d’euros. (+10%).
Mais le pire est que les deux évaluateurs ont été parties prenantes à l’opération et ne remplissent aucun des critères permettant de considérer qu’il s’agit d’évaluateurs indépendants : l’un est l’intermédiaire qui a perçu une commission de transaction de 1,2 millions d’euros (montant payé par l’Ordre et s’ajoutant à la commission payée par le vendeur), l’autre fait partie du même groupe capitalistique que le vendeur !
Depuis le changement de présidence au CNOEC, deux évaluations réellement indépendantes ont été commandées par la nouvelle mandature : la première donne une valeur de 32 millions d’euros ( ! ) tandis que l’autre donne une valorisation de l’immeuble à 40 millions en s’appuyant sur une valeur locative (pour un bail de 9 ans et non de 4 ans) de 1.200 €/ m², soit le montant du loyer payé par LR. La conclusion du bail avec LR permet donc de confirmer la valeur plafond de 40 millions, véritable valeur de l’immeuble acquis 54 millions, acte en main.
Un tel écart a conduit le CNOEC à enregistrer une dépréciation de l’immeuble dans les projets de comptes 2022. Compte-tenu de ces éléments factuels, comment un syndicat d’expert-comptable peut-il parler de « mépris du droit comptable » au sujet de cette provision et même porter une accusation de « faux comptes » ?
Possiblement parce que ce syndicat est à l’origine de cette acquisition et que la calomnie est leur méthode de communication.
Revenons également sur l’argument des auteurs de cette acquisition relatif aux vertus de cette adresse prestigieuse pour le rayonnement de la profession et sa capacité à se faire écouter. Si l’intérêt pour un parti politique de se trouver en face de l’assemblée est évident, celui du CNOEC est inexistant. S’il était fondamental de partager un trottoir pour se faire entendre, c’est celui de Bercy qu’il aurait fallu choisir.
Les auteurs de l’acquisition affirment également que le choix de mettre en location cet immeuble serait représentatif d’une vision « ultra-conservatrice » de la mandature actuelle au CNOEC. Au-delà de l’absence réelle de choix (la sous-location de Porte de Vanves étant impossible), nous sommes donc confrontés à une opposition nous expliquant qu’arborer les dorures de la république serait la modernité… quel archaïsme !
Au fond, ce que les auteurs de cette acquisition ont souhaité valoriser était-il réellement l’intérêt de la profession ou une explosion de leur ego ?