L’indépendance numérique des cabinets : un impératif pour assurer notre avenir

L’indépendance numérique des cabinets :
un impératif pour assurer notre avenir

Boris SAUVAGE

L’indépendance a toujours été une valeur fondamentale de notre profession libérale. Pourtant, à l’heure où la numérisation de l’économie et de la comptabilité donne aux outils numériques un poids déterminant, nous pouvons légitimement nous demander si notre indépendance n’est pas aujourd’hui menacée par les éditeurs de logiciels.

Ces outils, devenus incontournables, ont envahi notre quotidien professionnel. Il n’est plus possible d’imaginer exercer notre métier sans eux. Le nombre d’outils à disposition des cabinets a explosé, passant de 48 solutions présentées au congrès de 2013 à 178 en 2024. Cependant, malgré cette diversité, nous ressentons parfois l’impression d’être sous l’emprise des éditeurs.

Certains d’entre eux occupent des positions dominantes sur le marché et influencent lourdement nos choix technologiques. Cette domination est d’autant plus préoccupante lorsque les éditeurs, en quête de rentabilité, imposent des conditions qui ne respectent plus l’équilibre économique de nos cabinets.

Pour autant, faut-il accepter cette situation ? La réponse est non. L’indépendance numérique n’est pas un idéal inatteignable. Elle doit être l’objectif que chaque cabinet se fixe pour conserver sa liberté d’action. Cependant, l’indépendance numérique ne doit pas être confondue avec la souveraineté numérique. L’indépendance est un enjeu individuel, propre à chaque cabinet, tandis que la souveraineté numérique relève de l’ensemble de la profession et de notre capacité collective à maîtriser notre écosystème technologique.

Un projet ambitieux : l’agence de notation des éditeurs

Face à ce constat, il est nécessaire de repenser notre relation avec les éditeurs. C’est pourquoi nous proposons la création d’une agence de notation des éditeurs.
Contrairement à une autorité de régulation, cette agence aura pour mission d’apporter plus de transparence dans les pratiques des éditeurs. Elle permettra d’éclairer les cabinets dans leurs choix technologiques, en offrant une évaluation claire basée sur des critères objectifs tels que la transparence des coûts, la sécurité des données, la qualité des services et la capacité d’innovation.

Le but de cette agence n’est pas de réguler les éditeurs ou d’imposer des contraintes à leur activité, mais de fournir aux cabinets des informations fiables et transparentes pour qu’ils puissent faire des choix éclairés et éviter les risques de dépendance. En rendant les informations sur les éditeurs accessibles et comparables, nous permettrons à chaque cabinet de prendre des décisions en toute connaissance de cause, sans subir les pressions du marché ou l’emprise d’un éditeur dominant.

L’objectif n’est pas de rompre avec les éditeurs, mais de garantir un partenariat équilibré, où la concurrence reste saine et où l’innovation se fait au service des cabinets, et non à leur détriment. Les éditeurs doivent comprendre que leur succès est lié à celui de la profession. Via cette agence de notation, nous les incitons à proposer des solutions qui répondent véritablement aux besoins des cabinets.

L’indépendance numérique, un choix stratégique pour chaque cabinet

La diversité des solutions aujourd’hui disponibles sur le marché permet à chaque cabinet de choisir la stratégie qui lui convient. Certains feront le choix d’une solution unique, simple et confortable, quitte à accepter une certaine dépendance envers un éditeur. D’autres, au contraire, choisiront une organisation plus complexe, dissociant les outils de production des interfaces clients, afin de préserver leur indépendance. Ce choix est légitime, mais il doit être éclairé et conscient.

Pour garantir cette indépendance, il est crucial de mieux connaître les enjeux technologiques et de maîtriser les risques associés aux décisions stratégiques en matière de numérique. L’indépendance numérique ne se décrète pas, elle se construit par la formation, la connaissance et une anticipation des changements futurs.

La souveraineté numérique au service de l’indépendance des cabinets

Au niveau de la profession, l’enjeu n’est pas l’indépendance numérique collective, mais bien la souveraineté numérique. L’Ordre doit agir pour favoriser la concurrence entre les éditeurs et garantir l’absence de barrières à l’entrée pour les nouveaux acteurs. Cette souveraineté est essentielle pour éviter que les cabinets ne se retrouvent prisonniers de solutions dominantes, incapables de faire évoluer leurs pratiques.

De plus, la digitalisation de nos clients suscite l’intérêt croissant d’acteurs extérieurs à la profession. Si nous ne garantissons pas notre souveraineté numérique, nous risquons de voir ces acteurs prendre le contrôle de la relation avec nos clients. La souveraineté numérique, couplée à une agence de notation des éditeurs, nous permettra de rester les interlocuteurs privilégiés de nos clients, tout en préservant notre indépendance.

En conclusion, l’indépendance numérique des cabinets est un enjeu majeur pour l’avenir de notre profession. Elle passe par une meilleure maîtrise de nos outils et une transparence accrue sur les pratiques des éditeurs. En créant une agence de notation des éditeurs, nous donnerons aux cabinets les moyens de rester maîtres de leur destin numérique, tout en assurant une souveraineté collective au niveau de la profession.

Ensemble, bâtissons un futur numérique où innovation et indépendance vont de pair.

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