RENFORCER la prérogative et libérer le potentiel des experts-comptables
Sous titre
S’ENGAGER concrètement dans l’attractivité de la profession
La durabilité est-elle réellement un marché pour les cabinets indépendants ?
Dans nos cabinets indépendants, les PME et les TPE constituent la grande partie de notre portefeuille. Force est de constater que la durabilité est un concept, pour nombre d’entre eux, assez abscons. Néanmoins, par les sollicitations de leurs donneurs d’ordres, de leurs banquiers ou de leurs clients, ils commencent à percevoir la nécessité de s’y intéresser. Mais, face à un nouveau vocabulaire, ils s’avèrent un peu perdus.
La durabilité peut être appréhendée de deux façons :
• subie au rythme des règlementations nationales et européennes ;
• intégrée dans la résilience et la transition du modèle d’affaires de l’entreprise.
La première vision nous ramène vers une approche régalienne de la durabilité avec son lot de contraintes et de coûts considérés comme obligatoires mais sans intérêt pour l’entreprise. Pour nos cabinets, cet aspect de la durabilité est un enjeu qu’il convient d’appréhender, mais la perception de la valeur pour nos clients ne sera pas là, sauf si nous allons au-delà du pointage…
La seconde est beaucoup plus vaste et porteuse d’opportunités pour nos cabinets. Elle nous remet au centre de la réflexion stratégique et opérationnelle de nos clients. Nous venons leur apporter une méthodologie, des indicateurs de performance, des outils de pilotage et des supports de communication interne et externe. Nous les accompagnons dans l’évolution de leur modèle d’affaires, et par cela nous créons de la valeur perceptible à nos missions.
1. LES CABINETS INDÉPENDANTS ET L’AUDIT DE DURABILITÉ
1.1. Audit des rapports de durabilité :
un mythe pour les cabinets indépendants ?
L’investissement personnel pour bénéficier de l’opportunité d’exercer en tant que vérificateur au sein d’un organisme tiers indépendant (O.T.I.) est au minimum de 90 heures de formation. Cela peut paraître beaucoup, mais cela permet de renforcer ou de découvrir l’ensemble des aspects de ce que la démarche de durabilité sous-tend. Ce prérequis va bien au-delà d’une simple habilitation, il permet d’acquérir les fondamentaux nécessaires aux missions d’accompagnement et de vérification.
Les gros cabinets ont su se saisir très tôt de l’opportunité des audits de durabilité pour les entreprises cotées sur les marchés réglementés européens. Ils interviendront sur la vérification des rapports de durabilité, sur la vérification du correct « taggage » informatique des données communiquées et enfin sur la vérification de la prochaine obligation de faire. Ils ont su faire valoir le rôle sociétal du vérificateur, mais sous leur propre marque.
L’obligation de publier un rapport de durabilité en application de la CSRD concerne les sociétés financières et non-financières qui correspondent aux catégories suivantes :
• Toutes les sociétés cotées sur le marché réglementé parisien, à l’exception des microentreprises (soit moins de 400 entités).
• Toutes les autres grandes entreprises, c’est-à-dire les sociétés au-dessus de deux des trois seuils suivants : 250 salariés ; 40 millions d’euros de chiffre d’affaires et 20 millions d’euros de total de bilan (soit environ 6000 entités).
• Certaines sociétés non-européennes pour autant que leur chiffre d’affaires réalisé dans l’Union européenne, par le biais de leurs filiales ou succursales européennes, soit supérieur à 150 millions d’euros.
Le marché de l’audit de durabilité n’est donc pas petit. Il y a de la place pour les cabinets indépendants, mais elle est limitée.
L’estimation des coûts de collecte et de production de l’information de durabilité des groupes concernés a été évaluée par la Cour des Comptes : « les coûts moyens par entreprise, résultant de la préparation de la directive CSRD, pourraient évoluer entre 40 000 € et 320 000 € ;
les coûts moyens annuels d’audit pourraient s’élever entre 67 000 € et 540 000 € ».
A ces coûts viennent s’ajouter d’importantes dépenses non chiffrées, liées à l’adaptation des systèmes informatiques.
L’absence de co-vérification des données extra-financières, contrairement au modèle du co-commissariat aux comptes pour les comptes consolidés, fait apparaître une dissymétrie surprenante, notamment pour les groupes cotés. Les cabinets indépendants intervenant régulièrement dans cette configuration sur la performance financière apportent souvent une « autre vision » très complémentaire des gros cabinets. Le législateur national n’a pas choisi cette voie…
D’un point de vue plus technique, la mise en oeuvre d’un audit de durabilité nécessite la mise en place d’une organisation spécifique. Les plans de mission de vérification doivent notamment prévoir une dissociation effective entre les fonctions d’exécution, de supervision et d’expression de l’opinion. Ainsi, une même personne ne peut pas : faire la mission, la superviser et signer le rapport de vérification.
Les cabinets indépendants sont donc amenés à organiser leurs équipes en conséquence sur un marché où les honoraires en matière de vérification de durabilité restent à ce jour bien inférieurs à ceux perçus pour l’audit financier.
Il n’existe pas de barème pour les honoraires des vérificateurs, mais une obligation de mettre en avant dans leur rapport le nombre de personnes mobilisées et le temps passé sur la mission de vérification.
Le cabinet indépendant, dans son choix d’orientation vers des missions de vérification des rapports de durabilité, est confronté aux mêmes enjeux que pour ses missions de commissariat aux comptes avec l’investissement personnel en plus. La CNCC devra l’accompagner avec la mise à disposition d’outils opérationnels qui ne soient plus la propriété intellectuelle des cabinets individuels, mais bien celle de la profession dans son ensemble.
Pour les cabinets indépendants, cette piste sera réservée à des acteurs ayant choisi de s’investir à fond. Face à leur manque de ressources suffisamment formées, les gros cabinets ne pourront pas tout absorber…
1.2. Audit des sociétés à mission :
une opportunité pour les cabinets indépendants ?
Les sociétés à mission désignent les entités commerciales qui se sont fixé un ou plusieurs objectifs sociaux ou environnementaux.
Ces objectifs sont inscrits dans leurs statuts en complément de leur objet social et de leur raison d’être. La vérification de l’atteinte de ces objectifs est assurée par un Organisme Tiers Indépendant (O.T.I.).
La première vérification de la société à mission par un organisme tiers indépendant (OTI) est imposée 18 mois après le dépôt au Greffe du tribunal des statuts modifiés (ou 24 mois pour les entreprises de moins de 50 salariés).
Les objectifs statutaires sont déclinés de manière opérationnelle.
L’appréciation du respect d’un objectif opérationnel par l’O.T.I. repose sur 3 critères :
• les moyens mis en oeuvre ;
• les résultats obtenus ;
• les circonstances internes et externes qui expliquent
l’adéquation des moyens et l’atteinte des résultats.
Pour accompagner l’O.T.I., la communauté des entreprises à mission propose un guide méthodologique de vérification des sociétés à mission par les organismes tiers indépendants en libre accès. Il permet à l’O.T.I. de structurer son programme de vérification.
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Illustration
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Depuis la création de leur statut en 2019, le nombre de sociétés à mission en France n’a cessé de progresser. Il est de 1490 entités qualifiées de « sociétés à mission » en 2023, en progression de +34% par rapport à 2022. Certaines sont de grandes entreprises, comme le CIC, Dammann Frères ou la MAIF, d’autres sont beaucoup plus petites, comme plusieurs microentreprises.
Dans l’analyse faite en 2023 par l’observatoire des sociétés à mission, il est intéressant de voir que des sociétés avec une longue histoire entrepreneuriale se transforment de plus en plus en entreprise à mission.
L’effort pour acquérir les compétences requises et pour organiser ces missions de vérification dans nos cabinets est raisonnable et le chemin de vérification par l’O.T.I. assez bien jalonné par les partenaires d’un écosystème plutôt bienveillant.
1.3. Attestation contractuelle de données extra-financières
Les institutions de financement de notre économie sont soumises à des contraintes qui visent à promouvoir la durabilité dans leurs financements. La taxonomie verte, les règlements « Sustainable Finance Disclosure Regulation » (SFDR) ou « Corporate Sustainability Reporting Directive » (CSRD) constituent un corpus de normes qui ont amené au verdissement de l’offre de financement du secteur bancaire.
Les organismes publics qui apportent des aides et des subventions aux entreprises sont aussi contraints par l’engagement politique de soutenir des projets économiquement, socialement et environnementalement durables.
L’accès au capital financier sous forme actionnariale ou par l’endettement devient conditionné par une obligation de rendre compte sur des données extra-financière, voire par une obligation d’action effective sur des sujets négociés préalablement avec les investisseurs ou les créanciers financiers.
Le coût du capital emprunté, les intérêts, sont parfois indexé sur l’atteinte ou non d’objectifs sociaux ou environnementaux négociés contractuellement. Nos clients verront leur taux d’intérêt minoré en cas de respect de l’engagement contractuel.
Le financement de nos clients est de plus en plus impacté par des enjeux de durabilité.
Les parties prenantes aux différentes formes de financement réclament une vérification par un tiers indépendant de l’atteinte ou non d’objectifs. L’extra-financier rejoint ainsi le financier, car le créancier financier introduisait déjà des clauses contractuelles de respect de ratios financiers afin de réduire le risque pris (« covenants »).
Nous serons amenés à apporter du confort dans la fiabilité des indicateurs rapportés par nos clients. C’est une piste sur laquelle nous avons pleinement notre place.
1.4. Procédures convenues dans le cadre de l’obtention d’un label
Certains labels ont fait le choix d’intégrer les experts-comptables indépendants dans leurs procédures de vérification.
Nous nous inscrivons alors dans le cadre d’une mission classique d’examen d’informations sur la base de procédures convenues.
La labellisation dans le secteur marchand et non marchand fait partie des nouvelles demandes de certains de nos clients. Elle peut être abordée du point de vue de l’accompagnement ou de la vérification.
La vérification portera sur les critères définis par l’organisme labellisant qui peuvent être variables d’un label à l’autre.
Dans une démarche « à blanc » cette vérification pourra également permettre à l’entreprise d’adapter ses procédures avant de se présenter pour l’obtention du label.
Notre connaissance de l’audit, de l’environnement entrepreneurial lucratif ou non lucratif, des processus internes et des règles de gouvernance devrait nous rendre légitimes auprès des organismes porteurs de label. Or, très peu d’entre eux nous intègrent dans leurs démarches…
Pourquoi pas pousser un label de « PME durable » certifié par la profession ?
2. LES CABINETS INDÉPENDANTS
ET L’ACCOMPAGNEMENT DE LA DURABILITÉ
2.1. La durabilité : une démarche stratégique et structurante
La démarche de durabilité du modèle d’affaires d’un client repose sur une méthodologie en plusieurs étapes. Elle apporte un cadre au dirigeant et lui permet de prendre du recul par rapport à son projet entrepreneurial.
La première étape repose sur la raison d’être des porteurs du projet entrepreneurial. Elle interroge le sens et la vision des dirigeants : quelle est la finalité de l’activité entrepreneuriale, pour nous, mais aussi pour l’ensemble des parties prenantes ? Le modèle d’affaires déployé repose généralement sur trois grandes formes de capitaux : le capital financier, le capital humain et le capital naturel. Dans l’approche proposée, le capital financier est une des composantes mobilisées, mais pas l’unique.
L’idée est de questionner le modèle d’affaires actuel ou futur :
• Quelles sont les formes de capitaux (ressources) mobilisées ?
• Comment sont-elles transformées en valeur par l’entreprise ?
• Comment la valeur est-elle redistribuée aux capitaux utilisés ?
Cette dernière question est celle qui différencie l’approche financière seule de l’approche plus globale retenue ici.
Le capital financier est entretenu par une rémunération sous la forme de dividendes, d’intérêts ou par un accroissement de la valeur de marché des capitaux propres ou des capitaux obligataires.
Le capital humain est entretenu en maintenant, par exemple, l’employabilité des employés internes ou dans la chaîne de valeur de l’entreprise, leur bien-être mental et physique ou leur juste rémunération.
Le capital naturel est notamment entretenu par la régénération des ressources utilisées, par le recyclage des matériaux extraits, par la modification des procédés pour garantir un renouvellement naturel de la ressource exploitée.
Cette première étape permet de poser le modèle d’affaires actuel ou projeté.
Dans une deuxième étape, il s’agit de s’intéresser aux parties prenantes susceptibles d’impacter ou d’être impactées par le modèle d’affaires précédemment décrit. A ce stade, il s’agit de cartographier celles-ci par zones géographiques, par familles d’acteurs ou par sphères d’influence.
Les principales parties prenantes sont les clients, les adhérents, les usagers, les employés, le management, les syndicats, les associations professionnelles, les fournisseurs, les sous-traitants, les partenaires, les institutions, les régulateurs, les distributeurs, les transporteurs, les médias et réseaux sociaux, les organisations non gouvernementales, les communautés, les investisseurs, les pouvoirs publics…
La cartographie complète des parties prenantes doit permettre ensuite :
• d’identifier les parties prenantes les plus importantes du point de
vue de l’impact qu’elles peuvent avoir sur le modèle d’affaires et/
ou du point de vue de l’impact que le modèle d’affaires peut
avoir sur elles ;
• de qualifier leurs attentes par le biais de questionnairesquantitatifs et/ou qualitatifs avec un objectif de collecte de données suffisamment représentatives pour chaque partie ;
• de recenser et de hiérarchiser les enjeux relevés lors de cette phase de collecte.
La troisième étape de la démarche appréhende les enjeux des parties prenantes internes et externes selon deux axes : l’un financier et l’autre selon l’impact socio-environnemental. La restitution de cette étape se fait souvent par une matrice de double matérialité sous la forme d’un graphique avec en abscisse les enjeux financiers et en ordonnée les enjeux à impact.
A ce stade, il est également possible de regrouper les enjeux en fonction des normes européennes « European Sustainability Reporting Standards » [ESRS] pour les entreprises souhaitant s’inscrire dans une démarche volontaire de rapport de durabilité prévu par la CSRD.
La présentation des enjeux permet d’identifier ceux qualifiés de significatifs pour l’axe financier, pour l’axe d’impact socio-environnemental ou pour les deux.
Lors de la quatrième étape de la démarche de durabilité, il s’agira de décrire les impacts, les risques et les opportunités (I.R.O.) associés aux enjeux significatifs. La mesure de l’impact vise à qualifier et, si possible, quantifier les effets générés, positifs ou négatifs, par un enjeu identifié. Il s’agit d’apprécier les incidences réelles. Derrière chaque enjeu, il convient également de nommer les risques et les opportunités, les incidences potentielles.
La cinquième étape consiste à proposer des politiques et des plans d’actions de manière à répondre aux enjeux à fort impact, à réduire ou annihiler les risques associés et à saisir les opportunités offertes.
Sans mesure de la performance, il n’existe pas de politique efficace.
La mise en place et le suivi d’indicateurs constitue donc la sixième étape de la démarche de durabilité d’un projet entrepreneurial. Les indicateurs choisis doivent être SMART : Spécifiques, Mesurables, Atteignables, Réalisables et Temporellement définis. Ainsi, pour chaque politique, l’expert-comptable pourra proposer des indicateurs fiables avec des données cibles, une année de référence et une année cible. Le suivi de ces indicateurs permettra d’apprécier la performance des politiques mises en oeuvre et éventuellement à l’ajustement de celles-ci.
Les cabinets indépendants qui sauront s’approprier cette démarche pourront apporter de la valeur ajoutée à leur mission que leur client reconnaîtra indéniablement.
2.2. Le BEGES : première porte d’une réflexion de durabilité ?
Grace à une formation au Bilan Carbone et aux méthodes du GHG Protocol (« Greenhouse Gas Protocol »), l’expert-comptable peut rapidement s’emparer de ce sujet qui est souvent la première porte sur la réflexion de durabilité du modèle
d’affaires de son client.
Cette porte peut être ouverte volontairement ou de manière, plus ou moins contrainte, par ses parties prenantes, dont font parties les donneurs d’ordre.
La mise en oeuvre d’un Bilan des Emissions de Gaz à Effet de
Serre (BEGES) nécessite de définir dans un premier temps :
• un périmètre temporel : l’année civile par exemple ;
• un périmètre organisationnel : les différentes activités de
l’entité concernée par exemple ;
• un périmètre opérationnel :
avec le contenu des scopes du BEGES.
Cette démarche requiert une mobilisation de nombreux acteurs pour collecter des données multi-métriques. C’est l’occasion de fédérer les équipes et les parties prenantes autour d’un projet collectif sous l’impulsion de la direction ou de la présidence.
Nous disposons de la connaissance suffisante de nos clients :
• pour modéliser les flux d’activité de nos clients susceptibles
de générer des émissions de gaz à effet de serre,
• pour mettre en place des procédures de collectes des données,
• pour assurer la traçabilité de celles-ci avec la maîtrise de
la notion de piste d’audit,
• pour définir les hypothèses et les facteurs d’émission associés
aux métriques relevées,
• pour mesurer avec fiabilité les émissions et les quantifier en
unité de référence (tonnes équivalent CO2) tout en quantifiant
le facteur d’incertitude inhérent à la méthode retenue,
• pour rendre compte dans un rapport structuré de nos travaux,
• pour l’accompagner dans son plan de décarbonation et
de transition.
Nous sommes parfaitement légitimes sur ce marché et nous pouvons nous appuyer sur les travaux de l’ADEME et sur un outillage existant auprès d’éditeurs de logiciels qui, pour certains, se sont dotés d’une raison d’être qui va au-delà d’une rentabilité financière outrancière…
Le BEGES se décompose en trois scopes :
• Le scope 1 concerne les émissions directes issues des installations fixes ou mobiles intégrées dans le périmètre organisationnel de l’entité. Il comprend les sources fixes de combustion (ex : chaudière au gaz), les sources mobiles à moteur thermique (ex : engins de chantier ou voitures de
fonction), les procédés hors énergie, les émissions directes fugitives et les émissions issues de la biomasse (sols et forêts).
• Le scope 2 concerne les émissions indirectes liées à la consommation d’énergie (ex : électricité, vapeur, chaleur, froid…) lors de la fabrication d’un produit ou de la réalisation d’une prestation. Il s’agira ici de s’appuyer sur les données transmises par le fournisseur concerné.
• Le scope 3 est le plus complet et souvent le plus impactant. Il comprend 16 catégories d’émissions, dont, notamment, les investissements immobiliers, les transports amont et aval, les déplacements professionnels, les transports des visiteurs et clients, les déplacements domicile-travail, les déchets, l’utilisation et la fin de vie des produits vendus.
Même si l’incertitude qui fait partie du BEGES peut chatouiller l’esprit de certains comptables rigoristes. L’objectif est de fournir des ordres de grandeurs qui permettent ensuite de fixer des objectifs de décarbonation et de construire un plan de transition.
Sur l’aspect du plan de transition ou de décarbonation, les cabinets indépendants ont leur contribution à apporter en partenariat avec des spécialistes des enjeux relevés à l’issue du BEGES.
Le BEGES, le plan de décarbonation et de transition sont souvent les clefs d’une première porte d’entrée vers une démarche de durabilité beaucoup plus large. Elle amène l’organisation à impliquer ses parties prenantes internes et externes pour construire un projet plus durable, d’un point de vue environnemental, mais aussi, sociétal et financier.
Nos cabinets indépendants doivent être vus comme des acteurs pleinement capables d’animer le BEGES, les objectifs de décarbonation et le plan de transition de nos clients.
Les consultants opportunistes qui veulent et qui communiquent sur des BEGES à bas coûts faits par des experts-comptables doivent être convaincus que nous saurons aussi bien qu’eux proposer des missions à valeur ajoutée sur ces sujets.
2.3. Les grands donneurs d’ordre et leur chaîne de valeur
Les grands donneurs d’ordre sont soumis, qu’ils soient publics ou privés, à des réglementations de plus en plus strictes en matière de devoir de vigilance. Celui-ci impose aux donneurs d’ordre l’adoption d’instruments de prévention des risques découlant de leurs activités et de celles des entités constituant leur chaîne d’approvisionnement (amont) ou de distribution (aval).
La directive sur le devoir de vigilance européen, intitulée « Corporate Sustainability Due Diligence Directive » [CS3D] et adoptée par le Parlement européen en avril 2024, se focalise sur la responsabilité des entreprises en matière de respect des droits humains et environnementaux. Elle vise à établir un cadre européen pour un « comportement responsable et durable » dans les chaînes de valeur mondiales, car les entreprises représentent un pilier important dans la création d’une société et d’une économie durables.
Elle attend des grands donneurs d’ordre : le recensement, la prévention, l’atténuation, la suppression, la correction, la réduction au minimum et, si nécessaire, la priorisation des incidences négatives potentielles ou réelles sur les Droits de l’Homme et l’environnement découlant des activités propres aux entreprises, à leurs filiales et à leurs chaînes de valeur.
Par ruissellement, ces obligations s’infiltrent dans tous les maillons de la chaîne de valeur amont et aval. Elles impactent l’ensemble des entreprises avec lesquelles les donneurs d’ordre entretiennent des relations commerciales. Les grands groupes imposent aux PME et ETI de leur écosystème de fournir des données sur les moyens et les résultats mis en oeuvre en matière de durabilité.
Une majorité d’entre elles est sollicitée sur des sujets de durabilité, qu’ils confient à leurs experts-comptables. Il s’agit généralement de souscrire à une charte d’achat responsable, à une conformité aux référentiels internationaux comme les 10 principes du Pacte Mondial des Nations Unies, de se soumettre à une évaluation extra-financière de type EcoVadis, ou de répondre à des clauses spécifiques contractuelles attestées par un tiers indépendant.
Nos cabinets indépendants ont vocation à accompagner nos clients sur ces interactions avec les donneurs d’ordres, de la réponse à l’appel d’offre à la collecte et la transmission des indicateurs demandés contractuellement.
Certaines PME et ETI peuvent également utiliser le respect du devoir de vigilance socio-environnemental comme un avantage concurrentiel. Elles transforment ainsi une obligation en opportunité pour adapter leurs offres, leur contrôle interne et leur gouvernance. Elles peuvent également s’engager dans des processus de labellisation.
Le choix d’un label pourra être éclairé par l’expert-comptable. Ce dernier orientera son client vers un label reconnu et dont les méthodes d’évaluation sont robustes. Il pourra également appuyer son client dans toute la démarche de labellisation en lui rappelant au préalable que l’obtention d’un label se fait en moyenne sur une période de 18 mois…
2.4. Réflexions autour de la raison d’être : donner du sens
Dans un contexte incertain, nos clients peuvent avoir besoin de redonner du sens à leur projet entrepreneurial qui est souvent le projet d’une vie.
Cette envie peut être personnelle ou poussée par des parties prenantes. La notion de « sens » a, en effet, un impact positif sur la fierté d’appartenance des employés et futurs salariés, mais également à l’extérieur, sur les clients et les autres parties-prenantes.
Le cabinet indépendant peut accompagner son client sur ce sujet lors de la création ou pendant l’activité.
Pour donner du sens, l’utilisation du concept d’ « ikigai » japonais peut être un bon moyen de fédérer le management, les fondateurs et les employés : Qu’est ce qui fait que, vous et vos employés, vous vous levez le matin pour venir travailler dans votre entreprise ?
L’idée est d’amener l’équipe à s’interroger sur :
• Leur passion : ce qu’ils aiment et ce en quoi ils sont doués ;
• Leur mission : ce qu’ils aiment et ce qu’ils peuvent apporter au projet entrepreneurial ;
• Leur vocation : ce qu’ils peuvent apporter au projet entrepreneurial et ce pour quoi ils peuvent être rémunérés ;
• Leur profession : ce en quoi ils sont doués et ce pour quoi ils peuvent être rémunérés.
Cette démarche effectuée individuellement, puis restituée collectivement permet de faire ressortir des éléments de convergence et de divergence. Elle nourrit le débat et, dès lors, que l’expert-comptable arrive à le canaliser, il permet d’arriver à une raison d’être commune dans laquelle chacun peut trouver sa place.
La quête de sens est un profond catalyseur qui peut accroître la performance globale d’une entreprise. C’est une piste qui permet de renforcer le lien entre l’expert-comptable et le collectif de son client.
A l’issue de la détermination de la raison d’être, il est possible de proposer une démarche de durabilité plus complète.
2.5. Plan de développement des compétences :
Durabilité du capital humain
Le capital humain désigne l’ensemble des compétences, des connaissances, des qualifications, expériences et aptitudes des individus présents au sein d’une organisation et qui contribuent à sa productivité, à sa croissance et à sa performance globale.
Le capital humain est composé de différents éléments comme les savoirs utiles, les diverses expériences professionnelles, les qualifications ou les capacités productives.
La gestion du capital humain vise à tirer pleinement parti de ces atouts en créant un environnement propice à l’épanouissement des employés, à leur implication dans le développement de l’entreprise et à l’utilisation optimale de leurs compétences.
Le plan de développement des compétences (Art. L6312-1 du Code du Travail) recense l’ensemble des actions de formation obligatoires ou volontaires mises en place par l’employeur pourses salariés. Il constitue la base de l’adaptation au poste de travail, du maintien et du développement de l’employabilité des salariés de l’entreprise. Ce plan de formation vient en complément de l’obligation de formation générale à la sécurité.
Les dispositifs de Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) font partie des solutions qui peuvent être intégrées dans ce plan. La validation des acquis de l’expérience (VAE) permet, à toute personne engagée dans la vie active, d’obtenir une certification professionnelle par la validation de son expérience acquise en entreprise.
Dans le cadre de nos missions sociales, il peut être intéressant d’accompagner nos clients sur l’élaboration d’un parcours de formation individualisé en fonction de leurs besoins.
Les ressources humaines de demain se préparent aujourd’hui.
2.6. BDESE : une base de données socio-environnementale
L’expert-comptable peut utiliser des outils comme la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) pour apporter des éléments de pilotage et de reporting aux entreprises souhaitant valoriser leur capital humain.
La BDESE comprend notamment des données sociales sur
les effectifs de l’entreprise, les travailleurs extérieurs, l’évolution des emplois par catégorie professionnelle, les conditions de travail, l’égalité de genre, l’articulation entre vie professionnelle
et vie familiale, la rémunération des salariés et dirigeants, l’épargne salariale, la représentation du personnel, les
activités sociales et culturelles…
Elle est obligatoire dès 50 salariés, et son contenu réglementé se remplit au gré des franchissements de seuils de salariés…
Les indicateurs standardisés de la BDESE permettent aux entreprises, volontaires ou non, et leurs experts comptables de rendre compte de leur performance sociale, mais également environnementale.
2.7. Le monde associatif et la durabilité
La durabilité impacte également le monde associatif qui est un acteur majeur de la vie sociétale française et dans lequel de nombreux experts-comptables sont impliqués. Il est une composante des politiques publiques et intervient dans de nombreux secteurs : social, médical, sportif, culturel ou environnemental.
La démarche de durabilité est l’occasion de travailler sur l’ancrage territorial de son association (partenariats, mutualisation et coopération…), mais surtout de mettre en cohérence les idées et les actes, entre l’attente des adhérents et l’offre de services apportée par l’entité.
Pour structurer la démarche, l’expert-comptable pourra accompagner la gouvernance associative :
• dans la définition du modèle associatif avec les ressources mobilisées et les moyens mis en oeuvre pour les entretenir ;
• dans la cartographie des parties prenantes à associer ;
• dans l’identification auprès des principales parties prenantes des enjeux socio-environnementaux et financiers liés au projet associatif ;
• dans l’évaluation des impacts, des risques et opportunités associés aux enjeux significatifs ;
• dans la mise en oeuvre de plans d’action autour des politiques choisies pour répondre aux risques et opportunités associés aux
enjeux majeurs ;
• dans le suivi et la mesure d’indicateurs de performance permettant d’apprécier l’efficacité de ces plans d’action, puis leur ajustement.
Les bénévoles constituent le capital humain d’une association. Donner du sens à leur investissement personnel et rendre compte du projet associatif sont des éléments qui renforcent leur mobilisation.
Nos cabinets ont leur place à prendre sur les enjeux de durabilité des associations, notamment en ce qui concerne les bonnes règles d’éthique et de gouvernance.
2.8. Les collectivités territoriales et la durabilité
L’expert-comptable apporte aux collectivités territoriales une assistance dans des domaines très divers qui dépassent largement le strict cadre comptable et financier. Les enjeux socio-environnementaux auxquels elles sont confrontées font partie du terrain sur lequel les cabinets indépendants peuvent s’épanouir.
Notre ancrage territorial et la conviction de notre rôle sociétal font de notre profession un partenaire pour les collectivités locales, les établissements publics ou les sociétés d’économie mixte.
Inclure la notion de durabilité au sein des politiques locales des collectivités les engage à « répondre aux besoins actuels de la population sans compromettre les besoins des générations futures ». Le développement durable au sein d’une collectivité a pour objectif de rendre le territoire plus attractif d’un point de vue environnemental, social et économique.
Les enjeux, selon la collectivité et sa zone d’influence, pourront notamment porter sur :
• L’adaptation au changement climatique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la sobriété énergétique ;
• La pollution de l’air, de l’eau et des sols ;
• La maîtrise des ressources hydriques et marines ;
• La biodiversité et le maintien des écosystèmes ;
• La gestion des ressources et le développement d’une économie circulaire ;
• Les conditions de travail des employés de la collectivité ;
• Les communautés locales implantées sur le territoire ;
• Les utilisateurs des services de la collectivité ;
• La gouvernance de la structure ;
• La gestion des risques et du contrôle interne.
C’est une grille de lecture retenue pour les ESRS qui peut facilement s’appliquer à ce type d’établissement. La démarche de durabilité se met en oeuvre dans ces structures comme dans les entreprises du secteur privé ou les associations. Nos cabinets indépendants sont légitimes sur ces missions et peuvent renforcer leur rôle sociétal.
3. LES CONDITIONS DE RÉUSSITE DE NOS CABINETS
INDÉPENDANTS SUR LE MARCHÉ DE LA DURABILITÉ
Au vu des nombreuses missions évoquées précédemment que les cabinets indépendants peuvent exercer, il peut être intéressant de poser les conditions de leur réussite.
3.1. Formation des exper
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